Monde des petits - Histoire à lire

Blanche Neige

Blanche Neige

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Quand à la reine, aussitôt de retour, elle alla s'asseoir devant son miroir et demanda:
                        Miroir, gentil miroir, dis-moi, dans le royaume
                                Quelle est de toutes la plus belle?

Et le miroir répondit encore comme devant:
                           Dame la reine, ici vous êtes la plus belle,
                                Mais Blanche-Neige sur les monts
                                    Là-bas, chez les sept nains,
                        Est plus belle que vous, et mille fois au moins!

Quand le miroir eut ainsi parlé, la reine trembla de rage et de fureur et s'écria:
- Il faut que Blanche-Neige meure, même si je dois y laisser ma vie!

Alors, elle alla s'enfermer dans une chambre secrète où personne n'entrait jamais, et là, elle confectionna un terrible poison avec lequel elle fit une pomme empoisonnée, mais alors empoisonnée! Extérieurement, elle était très belle, bien blanche avec des joues rouges, et si appétissante que nul ne pouvait la voir sans en avoir envie; mais une seule bouchée, et c'était la mort.
Lorsque ses préparatifs furent achevés avec la pomme, la reine se brunit la figure et se costuma en paysanne, puis se rendit chez les sept nains en passant les sept montagnes. Quand elle eut frappé à la porte, Blanche-Neige passa la tête par la fenêtre et lui dit:
- Je ne peux laisser entrer personne au monde: les sept nains me l'ont défendu.
- Cela m'est égal, dit la paysanne, je saurai bien me débarrasser quand même de mes pommes. tiens, je vais t'en donner une!
- Non, merci, dit Blanche-Neige. Je ne dois rien accepter non plus.
- Aurais-tu peur du poison? dit la paysanne. regarde: je coupe la pomme en deux; la moitié rouge, c'est pour toi, et la blanche, je la mange moi.
Parce que la pomme avait été faite si astucieusement que la moitié rouge était seule empoisonnée. Blanche-Neige avait grande envie de cette belle pomme, et quand elle vit la paysanne croquer à belles dents dans sa moitié de pomme, elle ne put pas résister et tendit le bras pour prendre l'autre moitié. Mais à peine la première bouchée fut-elle dans sa bouche qu'elle tomba morte sur le plancher. La reine l'examina avec des regards cruels et partit d'un grand éclat de rire, en s'écriant cette fois avec satisfaction:
- Blanche comme neige, rouge comme sang, noire comme le bois d'ébène, ce coup-ci les nains ne pourront plus te ranimer!

Et dès qu'elle fut devant son miroir, elle le questionna:
                        Miroir, gentil miroir, dis-moi dans le royaume
                                 Quelle est de toutes la plus belle?

Alors et enfin, le miroir répondit:
                            Vous êtes la plus belle du pays, Madame!

Et là, son coeur envieux fut apaisé autant que peut être apaisé un coeur envieux.

Les nains, quand ils revinrent le soir à la maison, trouvèrent Blanche-Neige étendue sur le plancher; mais cette fois elle n'avait plus de souffle et elle était vraiment morte. Ils la relevèrent; ils cherchèrent bien partout s'ils ne trouvaient pas quelque chose d'empoisonné; ils lui défirent son corset; ils peignèrent ses cheveux; ils la lavèrent avec de l'eau, puis avec du vin: mais rien de tout cela n'y fit; morte elle était, la chère petite, et morte elle resta.
Ils la couchèrent sur une civière, et tous les sept, ils restèrent à côté et la pleurèrent pendant trois jours. Puis ils pensèrent à l'enterrer; mais elle était encore aussi fraîche que si elle eût été vivante et elle avait encore toutes ses couleurs et ses belles joues rouges.
- Nous ne pouvons pas l'enfouir comme cela dans la terre noire! dirent-ils.
Alors ils lui firent faire un cercueil de verre afin qu'on pût la voir de tous les côtés, puis ils l'y couchèrent et écrivirent dessus son nom en lettres d'or, en grandes, belles lettres capitales, sous lesquelles ils écrivirent encore qu'elle était une princesse, fille de roi. Ensuite ils portèrent le cercueil au haut de la montagne; et depuis ce moment là il y eut toujours l'un des septs qui y resta pour la garder. Et les bêtes y venaient aussi et pleuraient Blanche-Neige: d'abord ce fut une chouette, puis un corbeau, et une colombe en dernier.
Longtemps, longtemps Blanche-Neige resta là, dans son cercueil de verre, sans changer du tout; le temps passa et passa, mais elle était toujours aussi fraîche, aussi blanche que neige, aussi vermeille que le sang, aussi noire de cheveux que l'ébène poli, et elle avait l'air de dormir.

Et puis un jour, il arriva qu'un prince, qui s'était égaré dans la forêt, passa la nuit dans la maison des nains. Il vit sur la montagne le cercueil dans lequel était exposée Blanche-Neige, qu'il admira beaucoup, et il lut aussi ce qui était écrit dessus en grandes lettres d'or. Alors il dit aux nains:
- Laissez-moi emporter le cercueil: je vous donnerai en échange ce que vous voudrez.
- Pour tout l'or du monde, tu ne pourras nous l'acheter! répondirent-ils.
- Alors donnez-le moi, reprit le prince, parceque je ne puis pas vivre sans admirer Blanche-Neige, et je la traiterai et la vénérerai comme ma bien aimée, comme ce que j'ai de plus cher au monde!
Les bons nains, en entendant ses paroles, s'émurent de compassion pour lui et lui donnèrent le cercueil. Le prince le fit prendre par ses serviteurs, qui le chargèrent sur leurs épaules et l'emportèrent. Mais voilà qu'ils trébuchèrent contre une racine en la portant, et la secousse fit rendre à Blanche-Neige le morceau de pomme qui lui était resté dans le gosier. Aindi libérée, elle ouvrit les yeux soulevant le couvercle de verre et se redressa, ayant retrouvé la vie.
- Ô mon dieu, mais où suis-je? s'exclama-t-elle.
- Tu es près de moi! lui répondit le prince tout heureux, avant de lui raconter ce qui s'était passé. Puis il dit:
- Je t'aime et tu m'es plus chère que tout au monde. Viens, accompagne-moi au château de mon père: tu seras mon épouse.
Alors Blanche-Neige s'éprit de lui et elle l'accompagna, et leurs noces furent célébrées dans la magnificence et la somptuosité.